LE COMPTE EST BON !
Rompue au comptage des euros de par ma profession, ce troisième dimanche de novembre j’ai fait l’expérience d’un comptage d’un tout autre genre en pleine nature : celui des chamois sur les hauteurs de Gigors en compagnie de Bernard !
Sous une météo finalement assez clémente, nous avons rejoint de bon matin en voiture le petit village de Gigors, notre point de rassemblement avec d’autres « lève-tôt » et surtout amoureux de la nature, autochtones ou proches des environs (Beaufort sur Gervanne, Aouste sur Sye, Blacons…)
Sur la petite route au-delà de Combovin en ce dimanche matin rares sont les automobilistes, tout aussi rare la faune dans les prairies avoisinantes, un beau lièvre dans le lointain nous a néanmoins honoré de sa présence hélas trop brève … Un bon présage pour la suite, nous sommes-nous pensés.
A 8 h 30 nous étions à notre base de ralliement. Après les bonjours et plaisanteries échangés, temps de retrouvailles pour les uns et les autres habitués à l’exercice, c’est la formation des groupes et l’attribution des postes d’observation fixes ou ambulants comme pour le nôtre (5 personnes) mené par Bernard désormais muni de sa feuille de route et surtout de la précieuse feuille de comptage des chamois avec ses différentes colonnes pour répertorier les individus aperçus (Mâle, femelle, jeune - éterle pour la demoiselle - éterlou pour le jouvenceau …)
Et nous voilà partis : Sylvie, Isabelle, Valérie, Bernard et moi, sac sur le dos et paires de jumelles autour du cou : Direction le plateau de Savel au-dessus de Gigors et ses crêtes.
Durant notre phase d’approche, dans les bois assez tourmentés ou au travers de clairières, ce fut l’occasion de faire des découvertes intéressantes sous l’œil expert de Bernard : un charmant et discret petit bouvreuil au chant un peu plaintif … Quelques plumes de bécasse ou faisan jonchant l’entame du sentier, excréments de renard, chevreuil, et plus haut chamois… sont autant de précieux indices sur la faune du lieu, leur régime alimentaire … Les traces des sabots d’ongulés (sangliers, chevreuils…) aux abords d’une flaque d’eau également, à condition de prendre le temps de s’arrêter pour les repérer et les identifier. Ce matin, les petites naturalistes en herbe sont à la bonne école !!!
Dans la terre humide, d’autres empreintes facilement reconnaissables sont plus inquiétantes : celles de gros 4X4 de chasseurs probablement …
Le plateau atteint, nous évoluons à découvert jusqu’aux crêtes. Derrière nous, là-bas au loin un peu dans la brume, montagne de Nève, Grand Veymont, Glandasse et autres imposants reliefs semblent dessiner des vagues successives dans l’océan du ciel. Lever du soleil timide. Il le restera d’ailleurs toute la journée malheureusement, dissimulé sous une légère grisaille n’affectant cependant en rien nos travaux d’observation.
C’est ainsi que nous avons pu contempler longuement un magnifique mâle chamois avec tous ses attributs caractéristiques (cornes à la base épaisse, finissant en crochet plus prononcé que la femelle, pinceau pénien, cou trapu) perché sur un escarpement rocheux. L’animal, au poil gris-noir à pareille époque de l’année, prenait presque un certain plaisir à se faire admirer sur toutes ses coutures. Nous nous sommes bien rincés l’œil notamment grâce à la longue-vue performante de Bernard ! Ne se lassant pas de nos regards curieux, nous retrouvions notre acrobate rupestre au faciès très typique blanc et noir quelques mètres plus loin alors que nous longions la crête.
Malheureusement au cours de cette matinée de comptage, notre petite équipe dans son secteur déterminé ne dénombrera pas plus de trois sujets (dont deux aperçus furtivement) …
Côté botanique, ce fut tout aussi maigre hormis quelques baies dans les bois tortueux et un inattendu massif de Séneçon du Cap bien abrité du vent par des buis mal en point (la pyrale est aussi passée par là…).
Retour à la base sur le coup de midi, autour d’un repas partagé fort sympathique au gîte de la Brêche à Beaufort sur Gervanne. La soupe chaude de pois cassés est la bienvenue ! Occasion de faire davantage connaissance avec ces amoureux et défenseurs de la nature : Françoise, Roger (sans oublier le chien Capi !) … etc … Chaleureuse ambiance à table.
Bon, mais ce n’est pas le tout de faire des agapes entre copains et copines, il est temps de faire l’addition de tous nos comptages... Total environ : 46 chamois, mâles, femelles, éterles et éterlous, cabris … tout confondu. Le résultat pour ce secteur de la Drôme semble satisfaisant. Hélas ce n’est pas le cas partout. Dans le Royans et les hauts plateaux du Vercors, le chamois se fait de plus en plus rare. Les causes : Maladie ? Prélèvements des chasseurs trop conséquents au sein de très faibles populations ? Face à ce constat dramatique, on mesure l’importance de ces recensements non exhaustifs annuels organisés par diverses associations de défense de la nature (FRAPNA, LPO, VERCORS NATURE … etc…) et leurs bénévoles pour informer les autorités locales afin de limiter les quotas de chasse, mettre en place des mesures de protection, et ainsi maintenir l’équilibre de la faune sauvage dans notre magnifique région.
Au terme de notre repas partagé, c’est le temps de se dire au revoir et surtout à l’année prochaine ! Avec Bernard notre précieux guide naturaliste-randonneur, Sylvie et Isabelle, nous poursuivons l’après-midi par une petite randonnée digestive
Au milieu d’une végétation joliment colorée par les ocres, jaunes, orangés, pointes de rouge, ce fut l’occasion de faire encore de belles rencontres. Tout d’abord d’imposantes vaches écossaises bien fournies en poils, des Highlands broutant paisiblement dans un près bien vert. Un peu plus haut, c’est un rouge gorge qui attire notre regard…Et encore plus haut… tout là-haut, à la limite des falaises rocheuses de calcaire valanginien jaune-brunâtre, nous apercevons plusieurs chamois mâles, femelles, et jeunes certainement répertoriés ce matin par une autre équipe plus chanceuse que nous.
Séance de rattrapage suivie d’une séquence contemplation avec beaucoup de OUAH d’enthousiasme ! Je peine à décoller mes yeux de mes jumelles orientées vers la harde de chamois sous le contrefort rocheux présentant par endroit des fissures menaçantes mais aussi des cavités creusées par l’érosion au fil du temps. Soudain, dans l’une d’elles, j’entrevois un beau chamois mâle. La scène assez remarquable me rappelait ces grandes statues de saints érigées dans des alcôves à l’intérieur de certaines cathédrales et églises !
Seize heures passées, la grisaille s’épaissit et la fraicheur s’intensifie, il est temps de redescendre à notre grand regret et de regagner nos vallées respectives, des images merveilleuses plein la tête !
Quant tu veux, Bernard, pour un prochain comptage !
Hélène B. Sortie effectuée le 21 /11/2021
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